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Nahema Charles : La danse, la cuisine, puis la pêche côtière

Nahema Charles gère une roulotte spécialisée en poisson à Moorea et est passionnée de danse tahitienne. De fil en aiguille, elle a eu l’occasion de pratiquer la pêche au gros et il ne lui en a pas fallu plus pour qu’elle rêve de devenir capitaine de son propre bateau. Elle a démarré une formation au brevet de capitaine de pêche côtière au centre des métiers de la mer de Polynésie française. Rencontre.

Nahema Charles déborde d’énergie, de créativité et de passion. Sa passion pour la cuisine l’a amenée à créer à Moorea sa propre roulotte spécialisée dans le poisson, sa passion pour le voyage l’a amenée également à diversifier ses recettes en fonction de diverses influences. Elle est également une artiste ori Tahiti ayant remporté le 3ème prix de la meilleure danseuse du Heiva i Tahiti en 2014, elle était d’ailleurs sur scène lors du dernier Heiva.

De fil en aiguille, Nahema, 33 ans, a décidé d’aller pêcher elle-même le poisson qu’elle propose aux clients de sa roulotte à Moorea. Pour cela, elle a décidé de se former au brevet de capitaine de pêche côtière au centre des métiers de la mer de Polynésie française. Nous avons pu aller à sa rencontre afin d’en apprendre davantage sur ses motivations et ses objectifs.

Parole à Nahema Charles :

Quelques mots sur ton parcours ?

« Au niveau études, j’avais fait un BTS communication/tourisme, ensuite j’ai été dans la restauration. Je me dis que dans la vie il faut faire ce que l’on aime, à fond. Actuellement, je gère une roulotte sur Moorea qui fait uniquement du poisson donc la logique pour moi était d’aller pêcher moi-même le poisson pour ensuite le vendre directement à mes clients. C’est comme ça que j’ai commencé la pêche au gros. Direct de la mer au consommateur. Après, je pense que, comme tous les pêcheurs, j’ai été piquée par le virus de la pêche donc je me suis dit que j’allais faire ça. »

Des antécédents dans la famille ?

« Pas du tout. J’ai un ami capitaine qui est celui avec qui je pêche. Au début, je ne voulais pas trop y aller et puis après avoir essayé, c’est vrai que l’attirance de la mer et du large, le fait d’être seule à gérer ton bateau, cette liberté d’aller où tu veux, ce n’est pas donné à tout le monde. Cela fait du bien d’être en retrait de tout ce qu’il se passe sur terre. On aimait bien me dire ‘ce n’est pas un métier de femme’ mais certaines femmes conduisent des grues, les métiers sont ouverts à tout le monde. Il faut juste un peu de motivation, quand tu aimes ce que tu fais, cela se fait tout seul. »

Quelques mots sur ta formation ?

« C’est ma première. On a commencé depuis un mois, on est 16 en classe, deux femmes. Moi pour cette promo là et une autre qui vient de la promo de l’année dernière. Très intéressant, franchement, retourner à l’école après tant d’années, c’est vrai que ce n’est pas évident, on a perdu l’habitude. On apprend beaucoup de choses que l’on a intérêt à retenir et c’est hyper intéressant, je remercie tout le monde. Une remarque malgré tout, je trouve dommage qu’après l’obtention de notre brevet, on doive attendre deux ans pour pouvoir bénéficier de la défiscalisation de notre bateau. »

Les matières que tu préfères ?

« Actuellement, on fait les règles de barre, navigation, météo…Je ne peux pas dire que j’ai une matière de préférence mais elles sont toutes différentes, on apprend de nouvelles choses, les profs sont sympas, ils nous aident beaucoup. Cette semaine, on est en manœuvre, je stresse un peu pour le moteur mais ça va aller. »

Tu es également danseuse, la pêche c’est quelque part aussi une expression de la culture polynésienne ?

« Oui, je suis multi-fonction ! Je m’étais éloignée de la danse, j’ai eu un petit garçon, je me suis lancée dans l’entreprenariat à Moorea…Et maintenant j’entre dans le monde de la mer, pour moi qui vient d’une famille où il n’y a aucun pêcheur, mais cela fait partie de nous en tant que polynésiens…de pêcher, de naviguer. On apprend aussi d’autres choses en plus, ce qui est bien. »

Comment cela se passe en tant que femme ?

« Il faut faire sa place. Dans la pêche, les hommes nous aident mais à leur façon. On a vite fait de se faire ‘écraser’ d’où ma volonté de passer cette formation, d’avoir mon bateau. Une fois qu’on se retrouvera au large dans un banc de poisson, là ils se diront ‘OK, on peut l’accepter’. Les sœurs de Tautira ont fait leur place, mais elles viennent d’une famille de pêcheurs et on les respecte pour cela. »

Un dernier mot ?« On a qu’une seule vie, le temps passe super vite, il faut y aller à fond en laissant nos peurs de côté en prenant ce qui vient. Le manque de confiance en soi peut faire douter mais on a une super ambiance en classe, être la seule femme en classe a des avantages car on t’aide beaucoup quand on ne comprend pas. Il faut y aller et croire en soi et en ses rêves. »